Sandra Zeenni

Textes

Résumé

Sandra Zeenni, artiste sculpteur, vit et travaille à Paris.
Elle a passé son enfance au Liban, pays avec lequel elle entretient un lien toujours vivace.

Ses pièces sont présentes dans plusieurs collections publiques en France et au Japon.

2024 est une année tournée vers la Chine. Ses sculptures y sont présentées jusqu’en septembre 2024 au Liuli China Museum de Shanghai, en partenariat avec la galerie Capazza.
En France, l’exposition « Horizons » de la galerie Capazza présente son dernier travail de mars à juin 2024.

Réalisée et installée en 2023, la sculpture en bronze Dao de Sandra Zeenni intègre le dispositif «1 immeuble, 1 œuvre » du Ministère de la Culture. D’une hauteur d’1,80 m, cette création est installée en extérieur à Boulogne-Billancourt.

En 2022, la galerie Liz O’Brien NY présente ses sculptures au Park Avenue Armory Salon Art & Design, à New York. La galerie Capazza expose pour la première fois son bronze Myn à Antica Namur, en Belgique.

Ses dernières participations à des expositions publiques se sont tenues en 2022 au Palais Jacques Cœur à Bourges, en 2020 dans les Musées de Bourges et Vierzon, en 2019 à l’Hôtel Gouïn de Tours, dans le cadre du 500eme anniversaire Leonard de Vinci, en 2015 au Musée de Sarreguemines et en 2014 au Musée National Adrien Dubouché, à Limoges et à la Villa Empain (Fondation Boghossian) à Bruxelles, en Belgique.

En 2020, dans le parcours d’Art Contemporain “ Georges Jeanclos –Auguste Rodin , modeler le vivant” réalisé par la Galerie Capazza, en partenariat avec le Musée Rodin, ses sculptures sont exposées à Nançay et Azay-le-Rideau ainsi que les musées mentionnés.

En 2015, ses oeuvres étaient présentées à Collect International Art Fair, à la Saatchi Gallery à Londres, représentée par la galerie Collection.En 2016, une exposition personnelle lui est consacrée par la Galerie Capazza . En 2017 et 2018, c’est au Park Avenue Armory que la Liz O’Brien Gallery montre ses sculptures, à New York.
Les dernières sculptures de Sandra Zeenni dialoguent avec le travail expressionniste d’Auguste Rodin. Elles donnent lieu à des formes organiques souvent désérotisées qui s’articulent et s’enchainent comme des créatures mutantes générées par une croissance rhizomique. Elles jouent sur l’effet de surprise produit par la succession des points de vue discordants. Le décalage entre formes (anfractuosités, bosses, cavités...) et une matière maîtrisée accentue ces anomalies et le climat fantastique de ses pièces.

@sandrazeenni
www.sandrazeenni.com

Les états de corps

Les sculptures récentes de Sandra Zeenni témoignent du renouveau de son dialogue engagé depuis plusieurs années avec Rodin.
Cette conversation avec le travail expressionniste du sculpteur est désormais marquée par le désir de dépasser un corps féminin érotisé, sensualisé par le regard masculin, tel que l’amant de Camille Claudel l’avait mis en oeuvre, et plus largement tel qu’il a été souvent représenté au cours de l’histoire l’art.
De ce point de vue, Germaine Richier est, pour Sandra Zeenni, l’une des artistes qui réussit le plus brillamment ce dépassement en délestant ses sculptures figurant des corps féminins, d’un filtre masculin devenu conventionnel et répétitif. Selon cette lecture, Germaine Richier inscrit ses corps des années quarante et cinquante non seulement dans l’univers dévasté de l’immédiat après-guerre et dans la force de la Nature dont elle utilise le vocabulaire, mais aussi en opposition à la société patriarcale de l’époque et ses rôles impartis.

Loin des itinéraires balisés, le parcours technique et créatif de Sandra Zeenni préfigure ses dernières pièces de manière significative.
Comme nombre de ses prédécesseuses plus ou moins lointaines, Sandra Zeenni débute sa carrière artistique dans ce qu’il était convenu d’appeler les “arts appliqués” ou les “arts décoratifs”.
A sa manière, elle rebondit sur ce domaine réservé pour le transformer et le détourner. Elle fait évoluer sa pratique de la céramique vers la sculpture en en subvertissant les codes. Certaines pièces réalisées sans dessin sont ébauchées grâce à des maquettes de petites tailles; elle abandonne l’émaillage de ses ronde-bosses blanches en obtenant une matière mate qui s’apparente au plâtre et met les corps à vif. Elle déporte ses volumes noirs vers le bronze sculptural, où la couverte posée au pinceau procède d’une gestuelle proche de la peinture. Sa sculpture sollicite le regardeur et l’incite à une approche tactile pour une rencontre polysensorielle.

Ses sculptures évoquent l’ouverture d’un corps féminin voué à la jouissance comme aux assauts et intrusions. Un contact direct avec les pièces donne lieu aux effets de surprise que déclenchent la succession des angles de vue :
un seul corps versus deux corps enlacés ou fusionnels,
un corps laissant apparaitre ses articulations et sa colonne vertébrale versus un enchainement de formes mutantes qui prolifèrent tels des rhizomes,
une surface bosselée, creusée et trouée aux résonnances troubles versus une matière blanche et sublimée.

XdR

Respirations

Organique, abstrait, humain, … l’ensemble des “Lage” de Sandra Zeenni invite le regardeur à l’expérience d’un corps à corps. De ces fragments suggestifs, émergent un univers de crânes et têtes, dos, colonnes vertébrales plus ou moins marquées, déviées ou discontinues, des hanches, des fesses, des bustes, surfaces douces et sensuelles, féminines.

Ici, l’impression transitoire de plénitude est vite interrompue par des orifices et cavités qui surgissent, des bouches poussant un cri. “Sans ces béances, ces ouvertures, il n’y a pas de respiration ; la forme suffoque et moi avec elle”. Sandra Zeenni parle de turbulence.

Erigés ou horizontalisés, détendus ou repliés, les corps semblent en proie à des mouvements incontrôlables, à des forces intérieures sourdes voire menaçantes.
La force évocatrice du travail de Sandra Zeenni est à la mesure de l’ambiguïté qui amplifie trouble et confusion, à l’image de ces faces masculines, androgynes, féminines qui se mêlent, au sein d’une même création. Un corps qui pose question.
Ses pièces hybrides, qui semblent dotées d’une épaisseur mémorielle, comme les accidents qui ponctuent la matière, dissuadent le regardeur de se satisfaire d’une simple position de survol. Car aucun mot n’est capable d’étiqueter ou de fixer ces créatures mutantes qui semblent plutôt procéder d’un univers fictionnel. Les sculptures invitent donc à une autre approche plus tactile dans le sillage du corps à corps mis en œuvre dans le processus de création.

Parmi les pièces blanches, il y a les œuvres plus éthérées, plus sublimées, moins accidentées et qui, par leur volupté et leur douceur, nous bercent de plénitude et de réassurance. Il y a également celles intitulées « Figure » et « Dada », dépouillées de leur peau d’émail, au toucher vif et mat de la terre brute dont la blancheur irradie.

Les “Noirs”, en revanche, tout en tension, fonctionnent avec l’espace et la lumière : les émaux, appliqués au pinceau de manière jubilatoire jouent avec les rayonnements et entraînent la sculpture vers le champ de la peinture et de l’installation. Les Noirs, deviennent gris bruns, verts, violet ou mauves et laissent apparaitre des effets de brillance et de matité en fonction de l’angle de vue et de l’intensité lumineuse de l’exposition.

Ces sculptures contredisent notre croyance en une réalité immédiate, stable, fondée sur les apparences extérieures.

Xavier de Rubercy

par Carole Andreani

Est-ce du marbre ? Est-ce du bronze ? Les dernières sculptures de grès blanc ou noir émaillé de Sandra Zeenni se réfèrent de façon allusive au corps humain, ne laissant aucun doute sur leur interprétation. A la fois figuratives et abstraites, elles évoquent de façon troublante la torsion d’un buste, l’amorce d’une épaule, l’étirement d’un dos allongé ou l’arrondi d’un ventre, soudain érotisé par quelque orifice un peu caché. Elles sont à la fois le tout et la partie. Une sculpture noire émaillée montre une mêlée intime où s’entend comme une respiration. Plus que des fragments du corps contemporain, ces sculptures s’inscrivent dans une histoire de l’art : elles retiennent dans leurs courbes sensibles et caressantes le souvenir de la statuaire antique, et celui de la peinture baroque où le muscle se découpe dans la lumière. Issue de la céramique et de l’émail, Sandra Zeenni est devenue sculpteur « sans avoir jamais projeté de l’être, en suivant une voie ouverte à elle progressivement », en travaillant depuis des années sur l’abstraction du vivant. « Je viens du Liban, précise-t-elle, un pays où il règne encore des tabous, et j’entends affirmer un existant féminin. » Chemin faisant, elle a trouvé sa technique et son processus de création : elle cherche la forme de ces sculptures en mettant la plaque de terre contre elle, en la travaillant dans un corps à corps. Et les titres de ses œuvres, des morceaux de mots (Coma, Lage Uz, Lage T, Zon) dont nous ne saurons rien, sont en accord avec elles.

La Revue de la Céramique et du Verre / Nov–Dec 2017